Blacksheep, beaucoup de bruit pour rien ??

Le 04 Décembre 2025

Blacksheep fait le buzz depuis plus d’un mois, grâce à son fondateur, Pierre Wizman, De l’annonce d’une arrivée de la marque au BHV à celle de l’ouverture d’une boutique éphémère rue de Rivoli, l’entrepreneur a su faire parler de lui, que ce soit en bien ou en mal. Une façon de faire connaître la marque à peu de frais…

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Coup de pub

Il y a un peu plus d’un mois, alors que tous les médias parlent de l’arrivée de Shein au BHV, Pierre Wizman annonce que Blacksheep débarque aussi dans le mythique magasin parisien. Une intox qui a offert une belle visibilité au site et permis de surmédiatiser l’ouverture d’une boutique éphémère dans le magasin Polette de la rue de Rivoli. Un beau coup de pub à peu de frais pour l’entreprise qui, au final, n’a fait que modifier l’affichage dans la boutique, pour la transformer en showroom Blacksheep. La marque devrait rester en place jusqu’au 9 janvier avant que Polette ne reprenne la main.

Le concept

Avec Blacksheep, Pierre Wizman recycle le concept de Polette, qu’il avait crée en 2011, en baissant encore les prix. La recette est cependant la même: produits Made in China et suppression des intermédiaires afin de minimiser les coûts et donc le prix de vente final. Ainsi, les montures s’affichent à partir de 2.95 euros contre 10 euros pour son « concurrent » Polette. Pour les verres, il faut compter au minimum 5 euros pour les unifocaux, 25 pour les progressifs « dernière génération ».

Selon Pierre Wizman, qui a bénéficié d’une large visibilité dans les médias grand public, non sans rappeler celle de Paul Morlet lors du lancement de Lunettes pour tous, la qualité des équipements est la même que chez un opticien traditionnel. D’ailleurs, lors de ses prises de paroles, il a, systématiquement attaqué la filière et ses marges, parlant des verres comme de « bouts de plastique », vendus à prix d’or et omettant ce qui fait la valeur ajoutée d’un équipement: le design et le matériaux du verre, la qualité à long terme, le conseil, le service, le SAV, les années de R&D pour innover… Mais quand est-il vraiment ?

Des tests peu concluants

Malgré une qualité de produit annoncée comme équivalente à celle d’opticiens traditionnels, les avis des consommateurs sont loin d’être toujours élogieux. Sur le site TrustPilot, Blacksheep obtient une note de 3.5/5, avec 34% d’avis négatifs. Sont pointés du doigt : la qualité des verres progressifs (souvent jugés inutilisables), les délais de livraison et l’absence de SAV.

En Belgique, l’organisation Test-Achats a testé Blacksheep et, là encore, les résultats ne sont pas très concluants. Dix lunettes ont été commandées (5 équipées d’unifocaux et 5 de progressifs) pour des prix variants de 17.96 à 110,78 euros. Premier point négatif : le délai de livraison. Annoncé entre 6 et 10 jours, il a finalement atteint 18 jours. Après réception des paires, place à l’essai par les porteurs. Là encore, tout n’est pas au top : en unifocal, la première impression est bonne, mais en progressif, la vision de près est mauvaise. Le contrôle par un optométriste expert enfonce le clou : aucune paire n’est adaptée aux yeux ou au visage du porteur avec des problèmes de centrage (hauteur non mesurée) et d’ajustements. Enfin, le SAV est pointé du doigt avec un formulaire en ligne à remplir et aucun numéro de téléphone.

Faut-il craindre Blacksheep ?

Au vu des résultats des tests, les opticiens ne semblent pas devoir s’inquiéter. Comme pour d’autres sites avant lui, Blacksheep ne parvient pas à obtenir des centrages optimaux, ce qui pose problème notamment pour les fortes corrections et les progressifs. Par ailleurs, la tenue de l’équipement après plusieurs mois de port n’est pas connue pour le moment, le site étant encore « jeune ». L’ajustement, s’il peut se faire en magasin Polette (donc à Lille ou Paris), reste, lui aussi un souci.

Certes les prix sont bas et les modèles "tendances", mais en réalité, le concept n’est pas nouveau. Le low-cost a déjà rencontré son public, sensible au prix plus qu’à la qualité et au service, mais les pure-players ont, le plus souvent, dû compter, pour durer, sur un modèle phygital. Et c’est là que la bât blesse : l’ouverture d’un magasin physique implique de plus grosses charges et met à mal le modèle ultra low-cost de Blacksheep. Les opticiens traditionnels ont, pour la plupart, fait el chemin inverse, proposant des sites de vente en lien avec leurs boutiques. Un modèle qui rassure les consommateurs et offre conseils, qualité et services, ce que tout porteur est en droit d’attendre lorsqu’il a besoin de lunettes qui sont, rappelons-le, un dispositif médical.

Blacksheep, comme d'autres avant lui, n'est donc pas à craindre. Par contre, les discours de son fondateur qui dévalorise totalement les produits et les professionnels de la filière, est un vrai problème. Le message, à force d'être martelé, peut trouver écho chez certains décideurs peu enclins à creuser le sujet et aboutir à des textes de loi qui, sous couvert de préserver le pouvoir d'achat des Français et/ou le modèle des complémentaires, seraient un véritable recul pour la santé visuelle de nos concitoyens.