Le Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) a dévoilé les résultats d’une enquête menée auprès de 890 ophtalmologistes exerçant dans toute la France, consacrée à la reprise de l’activité dans les cabinets d’ophtalmologie. A cette occasion, un point a été fait sur les mesures à prendre pour accompagner la filière.Ainsi,90% des ophtalmologistes pensent qu’il est inutile ou peu important de renforcer la délégation de tâche avec les opticiens.
Tandis que la précédente étude Snof avait montré une baisse d’activité d’au moins 95% durant le confinement, la filière connait aujourd’hui une reprise partielle : près des 2/3 des ophtalmologistes sont entre 60% et 100% de leur activité normale. Cette reprise d’activité devrait se poursuivre dans les semaines à venir : 77% des répondants estiment qu’ils retrouveront plus de 60% de leur activité de référence dans les 15 jours qui viennent et 41% plus de 80%. A court terme, cette hausse de la fréquentation peut influer sur les délais d’attente : en cette période transitoire, 30% des répondants estiment que leurs délais de rendez-vous sont plus importants qu’avant le confinement, mais dans les régions les plus touchées par le Covid-19, ils seraient plutôt en diminution. La profession souligne cependant l’urgence de former plus de professionnels et de s’appuyer sur le travail aidé, tout en continuant d’accroître certaines pratiques, comme les rendez-vous en ligne.
Thierry Bour, Président du SNOF, déclare ainsi : « Si la reprise se déroule dans les meilleures conditions sanitaires, grâce au travail de chacun, elle ne rassure pas la profession, qui s’attend à subir des conséquences économiques importantes dans les mois à venir, impactant directement les perspectives de recrutement. »
Une pratique collaborative
Deux semaines après le déconfinement, 70% des ophtalmologistes déclarent travailler avec une équipe au complet : secrétaire, orthoptiste…Un retour à la normale qui permet à une majorité d’ophtalmologistes (59%) de répondre à tous les types de demande de consultation. Dans certains cabinets cependant (41%), les effets de la période de confinement les obligent à privilégier les consultations les plus urgentes, les patients chroniques, notamment ceux instables, les patients qui n’ont pas pu consulter pendant la période de confinement et ceux adressés par un confrère. L’activité de bloc opératoire peine quant à elle à repartir : seuls 1/3 des ophtalmologistes chirurgicaux ont retrouvé leur activité habituelle.
Si les mesures sanitaires sont strictement respectées dans la quasi-totalité des cabinets (99,6%), et qu’ils sont 96% à imposer le port du masque à tous les patients, la situation reste tendue pour obtenir le matériel de protection. C’est le cas notamment pour les gants et/ou les blouses (31%), les masques FFP2 (50%).
La profession s’organise
La hausse d’activité implique une réorganisation dans les cabinets : 52% des ophtalmologistes déclarent vouloir augmenter leur temps de travail pour assurer la reprise, en réduisant leurs congés (30%) ou en élargissant les plages de consultation (22%). Par ailleurs, un ophtalmologiste sur dix envisage de proposer des heures supplémentaires à son personnel.
Les prochains mois s’annoncent en effet décisifs. Ainsi, 91% des ophtalmologistes interrogés évaluent que leur chiffre d’affaire 2020 sera inférieur à celui de 2019, dont 58% qui l’estiment très inférieur par rapport à l’année précédente. Les ophtalmologistes sont toutefois très peu à envisager le licenciement comme solution : les ¾ des répondants souhaitent conserver leur personnel en l’état, et 5% disent même vouloir recruter. Ils sont en tout cas nombreux à être favorables à la mise en place de nouvelles mesures financières comme l’instauration d’un forfait supplémentaire par acte le temps de la crise (27%) ou la remise à plat de tous les tarifs (26%). Interrogés sur les perspectives d’avenir, les avis sont partagés : 46% des ophtalmologistes sont plutôt optimistes et 46% plutôt pessimistes quant à l’avenir de l’exercice. A noter que les professionnels exerçant en groupe sont plus positifs (51%) que leurs confrères exerçant seuls (38%).
Formation, travail aidé, nouvelles technologies… Quelles mesures pour accompagner la filière ?
Pour anticiper l’après-crise, plusieurs propositions émergent. La formation et le travail aidé apparaissent comme les axes prioritaires pour l’avenir de la profession. Près de 70% des ophtalmologistes pensent qu’il est important voire essentiel de poursuivre le développement de l’équipe d’orthoptistes et d’assistants médicaux autour de l’ophtalmologiste, via le travail aidé. En revanche, 90% des ophtalmologistes pensent qu’il est inutile ou peu important de renforcer la délégation de tâche avec les opticiens. Enfin, 34% des professionnels interrogés estiment qu’il est essentiel ou important de développer les équipes en soins spécialisés – concept pourtant très récent, apparu dans la loi depuis moins d’un an.
Côté formation, 81% des ophtalmologistes sont favorables à l’ouverture de plus de postes d’internes - une proposition jugée essentielle par 42% d’entre eux - et 73% pensent que les stages d’internes en libéral devraient être plus développés.
Certains chantiers suscitent encore quelques réticences : si la téléconsultation a peu été utilisée pendant la crise (principalement du fait des difficultés à la mettre en place dans la filière, où les examens nécessitent des appareils spéciaux) et que seuls 12% des professionnels estiment que son renforcement est important voire essentiel, d’autres e-solutions déployées pendant le confinement sont vouées à être développées. Ainsi, la moitié des ophtalmologistes estime que la mise en place de rendez-vous en ligne est importante voire essentielle. L’e-prescription suscite elle aussi un réel intérêt : ils sont 44% à y être favorable, particulièrement chez les professionnels de moins de 50 ans. L’utilisation de logiciels d’intelligence artificielle divise quant à elle un peu plus : les ophtalmologistes sont 28% à juger la question importante pour l’avenir de la filière, contre 44% à la juger peu importante voire inutile. Enfin, la création de protocoles de télé-expertises avec les opticiens ne convainc que 6% des répondants.