Déserts médicaux et téléconsultations

Le 05 Janvier 2023

Les cabines de téléconsultation cristallisent le débat depuis quelques semaines, sur fond de pénurie médicale chronique et de déserts médicaux croissants. Mais elles ne peuvent à elles seules suffisent à maintenir un système de soins de qualité – et surtout son accès.

Par Bernard Galan
cherche medecin

En France, le fossé entre prescription médicale et industrie de l’optique ne se comble pas. L’actualité récentemontre bien que la spécificité française de la prescription médicale de l’optique ophtalmologique perdure. La plus grande enseigne française de franchisés a proposé une offre de téléconsultation qui vient d’être considérée comme dangereuse par le Société foançaise d’Ophtalmologie (SFO).

L’idée de faciliter l’accès aux soins pour compenser les délais d’obtention des RDV, particulièrement dans les régions sous tension, s’est heurtée aux aspects médicaux de la consultation ophtalmologique et en particulier le dépistage des maladies de l’œil (glaucome, cataracte, DMLA…). Dans un contexte de déserts médicaux et de vieillissement de la population, les deux points de vue se défendent.

Par ailleurs, le principal verrier asiatique vient de stopper son investissement dans un réseau de services ophtalmologiques français, Medic’œil.

La solution à terme ne peut pas (plus) reposer uniquement sur une population de médecins ophtalmologistes qui ne grossit pas aussi vite que le nombre de patients, mais aussi de magasins sur notre territoire.

Les arguments avancés par les ophtalmologistes en matière de dépistage des pathologies oculaires lors des visites restent indiscutables et constituent une constante dans le système de soins français.

La croissance des besoins liés à l’allongement de la vie, la croissance de la population sur notre territoire, mais aussi nos styles de vie concourent à une demande toujours plus forte de consultations. Or, le nombre de nouveaux ophtalmologistes en France ne peut même plus assurer le remplacement des départs en retraite.

L’accès aux soins va-t-il ressembler à la fracture géographique que nous connaissons déjà avec le réseau autoroutier ou TGV suite à des décisions politiques nationales, ou bien, d’une façon plus perverse, et à l’instar de ces communes riches qui investissent pour attirer des médecins et se battent pour garder leur population et donc leurs écoles et leurs commerces, par des décisions et pressions locales pour subventionner leur présence permanente ou bien partagée ?

Si les positions des acteurs de la profession ne bougent pas, cela arrivera obligatoirement.

Quelles autres solutions ?

Comme Aristote le faisait remarquer, toutes les grandes choses sont faites de plus petites. Malheureusement, un problème global ne peut pas trouver des solutions locales car les législations et les moyens mis en œuvre restent centraux.

Une solution consisterait à mener des expérimentations, particulièrement dans les zones sous tension, et d’en tirer les enseignements afin d’élaborer les pistes d’évolutions nécessaires.

Dans tous les cas cela prendra du temps. Il est donc indispensable d’y réfléchir dès à présent.

Ces pistes devront nécessairement inclure les outils numériques de diagnostic à distance, des formes de délégation de compétences et des visites médicales obligatoires pour les classes d’âges à risque.

L’opticien devra s’adapter et évoluer afin de justifier de ses compétences dans ces nouvelles technologies.

Il faudra également investir en formation et en équipements.

Si les choses restent en l’état, les pharmacies, les orthoptistes associés à des cabinets d’ophtalmologie le feront.

Les pouvoirs publics avaient promis les lunettes gratuites… encore faut-il avoir un rendez-vous… et ne pas avoir besoin de produits avancés.

Ces mêmes pouvoirs publics – incarnés en l’occurrence par Sylvie Retailleau et François Braun – ont confirmé leur volonté d'ajouter une quatrième année d'études pour les internes en médecine générale dès la rentrée 2023. Cette dernière année d'internat doit « consolider » leurs compétences en les incitant, notamment, à exercer dans les déserts médicaux et ajouter une année de spécialisation. S’il leur vient l’idée de faire cela pour les spécialistes que sont les ophtalmologistes, cela sera insuffisant pour les déserts médicaux et pénalisant pour les autres secteurs qui devront attendre une année de plus pour voir arriver de nouveaux diplômés.

En revanche, l’allongement de la vie professionnelle pour le recul annoncé de l’âge de départ à la retraite peut avoir un effet positif, si les ophtalmologistes partaient tous en retraite à 62 ans – ce qui n’est pas le cas, loin s’en faut.