Formation opticien: la jeunesse fuit-elle la profession?

Le 24 Avril 2024

Au cours des dernières années, nous avons constaté un manque d’engouement pour le métier d’opticien de la part de nos alternants, une fois leur période de formation terminée. La sécurité d’un CDI ne suffit plus, les jeunes talents ne se voient pas continuer leur carrière en boutique, et nous avons de plus en plus de mal à recruter, même au sein des Opticiens Eye Like.

Par Freddy Vidal, gérant du groupement Les Opticiens Eye Like
Image par StockSnap de Pixabay

Des « délivrants » de dispositifs médicaux ?

Il est vrai que le travail en magasin n’est pas tous les jours évident avec les contraintes que cela implique.
Dans la plupart des enseignes la perception de notre métier est tirée vers le bas, et c’est légitime. La recherche du prix le plus bas, le poids des mutuelles qui imposent toujours plus de processus administratifs et les contraintes imposées par le 100% santé, y sont pour beaucoup.
Pour palier à cela et depuis toujours, notre choix est clair vendre de la valeur ajoutée.
Plus que jamais le temps de nos clients est précieux. C’est pourquoi nous fonctionnons principalement sur rendez-vous, et qu’à ce titre, nous sommes perçus comme des « délivrants » de dispositifs médicaux, des professionnels de santé.
Les contours de notre profession ont évolué, qu’il s’agisse de l’accompagnement du client, qu’il soit de santé visuelle, psychologique ou esthétique, ou de la dimension artisanale et technique qui compose notre quotidien. Nous ne sommes plus seulement des vendeurs de lunettes, mais bien des opticiens de santé.
Malgré cela, les opticiens qualifiés en optométrie sont séduits par une carrière en cabinet d’ophtalmologie. La semaine à 4 jours avec des horaires dites « de bureau » et une rémunération attractive y sont pour beaucoup.

La formation joue un rôle clé

À mon sens, c’est sur cette dimension santé, mais aussi «savoir-faire» qu’il faut miser. Le seul aspect commercial de notre métier n’est plus d’actualité.

La formation telle qu’elle est proposée aujourd’hui doit évoluer rapidement, si l’on veut attirer de nouveaux profils et ne plus sous-utiliser les compétences des opticiens.

L’évolution* du diplôme évoquée ces derniers temps permettra-t-elle un changement dans la perception du métier d’opticien ? Nous poussons d’ores et déjà les étudiants que nous recevons en stage ou en alternance à aller plus loin dans leur cursus. Néanmoins, la nouvelle définition du cursus actuel n’est qu’une partie du problème.
S’il faut en effet repenser la forme, il est primordial d’en faire autant pour le fond. Notre métier aujourd’hui, au-delà de la lecture des ordonnances et de son aspect commercial, est beaucoup plus complet.
Nous réalisons de plus en plus de contrôles de la vue, nous conseillons, nous écoutons, nous rassurons aussi. L’aspect psychologique et éducatif fait partie de la relation clientèle, plus que jamais. Nous réparons, parfois artisanalement, nous créons du sur-mesure. Le savoir-faire tient une place primordiale dans notre quotidien.
Enfin, nous ne « vendons » pas de simples lunettes. Nous proposons des solutions visuelles adaptées aux besoins spécifiques de nos clients (notamment chez les personnes atteintes de basse vision). Toujours en évolution nous nous devons de rester à l’affut des nouvelles technologies des tendances, des matériaux, des créateurs, nous définissons aussi un style, une personnalité. Les aspects techniques et esthétiques de notre métier que j’ai appris il y a 30 ans sont toujours plus malmenés par la pression économique des mutuelles. Comment un jeune opticien aujourd’hui peut-il avoir plaisir à exercer un métier noyé par le tiers payant les démarches administratives et la prestation à bas coût?
Un tel prisme dans un seul métier est rare ! Nous avons donc beaucoup de chance ! Les nouvelles formations doivent intégrer tous ces aspects de la profession. 
* À savoir, une formation en 3 ans avec des modules communs aux orthoptistes et aux opticiens, la possibilité de poursuivre vers des masters de pratiques avancées, l’intégration de la nouvelle formation d'opticien vers les facultés de médecine plutôt qu’en facultés de sciences.