La loi n° 2022-158 du 16 août 2022 visant à protéger le pouvoir d'achat a introduit une mesure de "bouclier" temporaire qui vise à limiter les augmentations de loyers liées à certains mécanismes de révision des loyers des baux commerciaux.
Ce dispositif, mis en place il y a un an, et reconduit jusqu’au 31 mars 2024 tend à limiter à 3,5% l’augmentation des loyers en application des clauses d’indexation.
Si cette mesure de tempérament des révisions est bienvenue, elle ne profite cependant pas à l’ensemble des locataires commerciaux.
I - Rappel des mécanismes légaux et conventionnels de révision
Au cours de l’exécution du bail commercial, Bailleur et Preneur peuvent obtenir la révision du loyer initialement fixé en application de deux mécanismes distincts :
- Le premier mécanisme, légal, permet aux Parties de solliciter, a minima tous les trois ans à compter de la dernière fixation du loyer, la révision de ce dernier en fonction de la variation de l’indice de référence prévu au bail, à savoir :
- L’indice des loyers commerciaux (ILC) pour les activités commerciales et artisanales,
- L’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) pour les autres activités.
La demande de révision doit, dans ce cas, être formée par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée avec accusé de réception, dont la réception/signification constitue le point de départ du nouveau loyer révisé.
- Le second mécanisme, contractuel, consiste pour sa part à insérer dans le bail commercial une clause dite « d’échelle mobile » par laquelle les Parties conviennent que le loyer sera révisé automatiquement – c’est-à-dire sans aucune formalité – selon une périodicité et un indice librement fixés par les Parties.
Généralement, les clauses d’échelle mobile insérées dans les baux commerciaux prévoient une révision annuelle du loyer, calculée en fonction de l’évolution de l’indice des loyers commerciaux ou de l’indice du coût de la construction.
Quel que soit le mécanisme de révision concerné, son application peut conduire à d’importantes augmentations de loyers pour le Preneur, notamment en période d’inflation. On rappellera à cet égard que l’instauration de l’ILC comme indice de référence de la révision légale des loyers en lieu et place de l’ICC avait déjà pour but, notamment, de palier la volatilité de cet indice dans un passé récent.
II - Le plafonnement temporaire des augmentations de loyers par le jeu des clauses de révision
Dans le contexte de sortie de crise sanitaire et d’une conjoncture mondiale marqués par une forte tendance inflationniste, le gouvernement a mis en place des mesures de protection à l’égard de certaines entreprises, dans le but de protéger leur pouvoir d’achat et maintenir une stabilité dans le coût de leur location.
L’explosion de l’indice légal de référence est davantage éloquente à la lecture d’un graphique mis à disposition par l’INSEE :
Face à une telle variation, l’article 14 de la loi n° 2022-158 du 16 août 2022 a introduit une mesure de « bouclier » temporaire visant à limiter les augmentations de loyers au moment de leur révision.
Initialement prévue jusqu’au 1er trimestre 2023, cette mesure a été prolongée jusqu’au 31 mars 2024 par la loi n°2023-568 du 7 juillet 2023, en attendant de savoir, si cette mesure exceptionnelle sera à nouveau reconduite.
En pratique, ce dispositif consiste à plafonner à 3,5% la variation annuelle des loyers commerciaux, pour la période allant du 2ème trimestre 2022 au 1er trimestre 2024 inclus.
Il est à noter que ce plafonnement annuel instauré au profit du Preneur lui est définitivement acquis, de sorte qu’il ne pourra faire l’objet d’aucune mesure de rattrapage par le Bailleur à la fin de la période de protection.
En outre, le gouvernement est venu préciser que tous les modes de révision du loyer commercial sont concernés par ce plafonnement : la révision issue d’une clause d’échelle mobile, la révision légale triennale, ainsi que la révision qui interviendrait à l’occasion du renouvellement du bail, et dont le mode de calcul diffère quelque peu des révisions précitées.
Toutefois, la portée de cette mesure anti-inflation est triplement limitée :
- Tout d’abord, ce dispositif concerne exclusivement les petites et moyennes entreprises, définies comme celles comptant moins de 250 salariés, avec un chiffre d’affaires annuel ne dépassant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros.
- Ensuite, le plafonnement s’applique uniquement pour les révisions des loyers des baux commerciaux encadrés par l’indice des loyers commerciaux (ILC), à l’exclusion des autres indices, notamment l’indice des coûts à la construction (ICC) ou l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT). Certains locataires ayant ainsi pensé bénéficier du dispositif de protection temporaire découvriront, malheureusement pour eux, ne pas être concernés pas la mesure.
- Enfin, certaines situations sont exclues de ce dispositif, notamment :
- En cas de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, énumérés à l’article R. 145-6 du Code de commerce,
- En cas de changement d'activité nommée déspécialisation.
Dans ces deux cas, le Bailleur pourra tenter de déplafonner le loyer pour qu’il soit soumis à la valeur locative, sans possibilité donc, pour le locataire commercial, de bénéficier du bouclier temporaire.
Si les principes énoncés ci-dessus semblent assez simples, l’application concrète de la mesure de protection et les modes de calculs qui en découlent demeurent techniques ; à tel point que le gouvernement a mis en place une « FAQ » qu’il est conseillé de consulter car elle envisage plusieurs scenarii qui sont fonctions du mode de révision du loyer, et de la période à laquelle cette révision intervient.
Compte tenu de la complexité de l’application du dispositif mis en place, parfois mal maîtrisé par les parties au bail commercial, tant s’agissant de son champ d’application que des modalités de calcul des loyers ainsi plafonnés, il est plus que recommandé de faire appel à un conseil pour vous accompagner dans le cadre de la révision de votre loyer.