En présence d’un bail commercial classique 3,6,9, le statut des baux commerciaux instaure une règle de plafonnement du loyer renouvelé par le jeu de la variation desindices légaux, afin de limiter une potentielle hausse importante et brutale du loyer de nature à compromettre la viabilité de l’exploitation du locataire.
Ce principe du plafonnement peut toutefois être écarté dans des cas limitativement énumérés par la loi.
Parmi ces exceptions, les articles L145-33 et L145-34 du Code de commerce prévoient le cas des travaux réalisés par le Preneur, qui, selon ces textes, peuvent justifier un déplafonnement du loyer dès lors qu’ils modifient de manière notable les caractéristiques du local.
C’est notamment le cas des travaux ayant pour effet d’augmenter le volume des locaux et/ou d’augmenter la surface de vente (ex: dans certains cas construction d’une mezzanine, destruction de cloisons…).
Néanmoins, pour que le Bailleur puisse s’en prévaloir, encore faut-il que ces travaux soient devenus sa propriété, par le jeu dit « de
l’accession ».
Les clauses d’accession, quasi systématiquement prévus dans les baux commerciaux, permettent à cet égard de fixer les conditions
dans lesquelles le bailleur va devenir de plein droit propriétaire des travaux réalisés par le locataire, à ses frais, dans les lieux loués.
La rédaction de ces clauses, qui diffère d’un bail commercial à un autre, a donc une importance capitale pour le locataire qui envisagerait
d’effectuer des travaux dans ses locaux :
1) Une accession des travaux effectués par le preneur « au fur et à mesure » ou en « fin de bail » :
Dans ce cas, les travaux effectués par le Preneur constituent un motif de déplafonnement que le Bailleur peut invoquer :
● Au premier renouvellement suivant la réalisation des travaux s’ils constituent une modification notable des caractéristiques des locaux.
● Au second renouvellement suivant la réalisation des travaux s’ils constituent des améliorations (c’est-à-dire s’ils entraînent un perfectionnement commercial du fonds) et que le Bailleur ne les a pas financés.
Ces deux notions n’étant pas clairement définies par la loi, il est toutefois difficile de faire la part des choses et la jurisprudence se révèle fluctuante sur la qualification des travaux soumis à son appréciation.
Aussi, il arrive que les travaux du Preneur constituent, aux yeux des juges, à la fois des travaux de modification et des améliorations. Dans
ce cas, le régime des améliorations prévaut (Cass. 3e civ., 6 sept. 2022, n° 21-16.613).
2) Une accession des travaux effectués par le preneur « en fin de jouissance » :
Dans cette hypothèse, le Bailleur ne peut jamais utiliser les travaux effectués par le Preneur comme motif de déplafonnement, pas plus qu’il ne peut les incorporer dans la valeur locative du bien s’il existe une autre cause de déplafonnement de loyer.
Cette règle a d’abord été dégagée en matière de travaux d’amélioration, sur le fondement de l’article R145-8 du Code de commerce : « Vu l’article R. 145-8 du code de commerce ; Attendu qu’il résulte de ce texte que le bailleur ne peut se prévaloir des travaux d’aménagement réalisés par le preneur que s’ils sont devenus sa propriété par accession ; » (Cass. 3ème civ. 14 juin 2018, n°17-14599).
Par suite, la jurisprudence semble avoir étendu cette règle aux travaux de modification notable des caractéristiques des locaux (En ce sens, Cass. 3ème civ., 21 mars 2001, n° 99-16640, CA Versailles, 12ème chambre section 1, 9 avril 2009, n° 08/05064).
Ainsi dorénavant, en présence d’une clause d’accession différée en fin de jouissance, il semble que quelle que soit la qualification des travaux du Preneur, ils ne constituent pas une cause de déplafonnement puisqu’ils restent la propriété du Preneur jusqu’à sa sortie des lieux.
3) En conclusion
Comme cela vient d’être esquissé, la question des travaux est une source inépuisable de débats judiciaires et doctrinaux.
Cependant il n’est pas rare en pratique, que lorsqu’un locataire sollicite de son bailleur la réalisation de travaux d’importance qui vont au-delà de simples aménagements, la question de la modification du loyer soit évoquée en parallèle.
La prudence commande donc que, avant d’engager un tel projet, l’entrepreneur connaisse parfaitement l’étendue de ses droits et de ses devoirs au regard du bail.
Quand bien même cela ne l’empêcherait pas d’entreprendre des travaux dictés dans l’intérêt de l’activité, et que le Bailleur ne sollicite pas de modification du loyer en cours de bail en contrepartie, anticiper une éventuelle augmentation notable de loyer dans le futur doit faire partie de la planification du projet de travaux.
Et à cet égard, se renseigner sur la valeur locative du quartier d’appartenance du local peut s’avérer une décision judicieuse.