Présentation du dispositif
Le Pacte Dutreil permet de transmettre une entreprise avec une exonéra tion de 75 % de la valeur des titres d’une société pour le calcul des droits de donation ou de succession. En pratique, seuls 25 % de la valeur entrent dans l’assiette taxable : transmettre 1 million d’euros de titres revient ainsi à ne taxer que 250 000 €, avant les abattements habituels entre parents et enfants.
Ce dispositif vise à éviter que les héritiers soient contraints de vendre l’entre prise pour payer les droits, tout en préservant le contrôle familial de la société. Il s’applique aux entreprises individuelles, aux sociétés opérationnelles et, sous conditions, aux holdings animatrices qui dirigent et accompagnent activement leurs filiales.
Qui peut en bénéficier et quand ?
Le Pacte Dutreil est ouvert à la plupart des chefs d’entreprise, qu’ils aient ou non déjà associé leurs enfants au capital. Sont exclues les structures purement patrimoniales, notamment les SCI de simple location nue ou les holdings de gestion de portefeuille, sauf si leur activité est réellement opérationnelle ou d’animation de groupe.
Le dispositif joue lors d’une transmission à titre gratuit :
- succession après décès ;
- donation simple ou donation partage du vivant de l’entrepreneur.
La transmission peut se faire en pleine propriété ou avec démembrement, par exemple donation de la nue propriété avec réserve d’usufruit, à condition que le donateur ne conserve qu’un droit sur les bénéfices.
Les conditions à respecter
Trois grandes familles de conditions structurent le Pacte Dutreil.
1. L’activité éligible:
- L’entreprise doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ou être une holding animatrice dont l’activité principale est l’animation de filiales opérationnelles.
- Une SCI peut être éligible si elle a une véritable activité commer ciale (par exemple location meublée) et non un simple outil de gestion passive d’immeubles.
2. Les engagements de conservation:
- Engagement collectif : le chef d’entreprise et ses associés signent un engagement de conservation d’au moins 2 ans portant, pour une société non cotée, sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote. Cet engagement peut aussi être « réputé acquis » si le dirigeant détient déjà ces seuils depuis au moins 2 ans et dirige effectivement la société.
- Engagement individuel : chaque héritier ou donataire s’engage à conserver les titres pendant au moins 4 ans après la fin de l’engagement collectif. L’un d’eux (ou un associé) doit, en outre, exercer une fonction de direction pendant la durée des engagements et au moins 3 ans après la transmission.
3. La nature de la transmission:
- Le pacte porte sur la transmission des biens nécessaires à l’exploitation de la société, dans le cadre d’une succession ou d’une donation organisée.
- En cas de donation avec réserve d’usufruit, le montage doit veiller à ne laisser au donateur qu’un droit sur les revenus, sans remettre en cause le transfert du contrôle.
Un formalisme de suivi strict du Pacte s’applique : chaque année, l’entreprise et les bénéficiaires doivent attester auprès de l’administration fiscale du respect des engagements, sous peine de remise en cause de l’exonération et de rappel des droits.
État des lieux en 2025
Le nombre de pactes signés ces dernières années est en augmentation, et le coût budgétaire pour l'État semble avoir explosé: plus de 5,5 milliards d'euros en recettes fiscales auraient été «perdus» en 2024, selon la Cour des comptes qui souligne que le dispositif profiterait surtout à un nombre limité de familles et à des montages parfois plus patrimoniaux que réellement entrepreneuriaux (inclusion de yachts, œuvres d’art, etc. parmi les biens transmis).
Dans une période de restriction budgétaire, les critiques ont été multiples ainsi que les propositions de réforme de cet outil de transmission plafonner le montant exonéré, abaisser le taux à 50 % au-delà d’un certain seuil, pour mieux cibler les transmissions authentiquement entrepreneuriales, etc.
Le Pacte Dutreil est ouvert à la plupart des chefs d’entreprise, qu’ils aient ou non déjà associé leurs enfants au capital.
Les principaux amendements débattus fin 2025
Le projet de loi de finances 2026 comprend plusieurs amende ments restrictifs, pas encore définitivement adoptés (le texte étant, à l’heure de l’écriture de l’article, encore en débat au Sénat puis à l’Assemblée):
- L’exonération de 75 % ne porterait plus que sur les actifs opérationnels de l’entreprise, à l’exclusion des biens personnels intégrés à l’actif social.
- Durcissement des contrôles fiscaux, pour limiter les abus.
- Possibilité d’introduire une forme de «Pacte Dutreil salarié», destiné à faciliter la transmission aux employés, et non seulement aux héritiers familiaux.
Quelles évolutions attendre?
Le sentiment général, relayé par les praticiens et la Cour des comptes, est que le Pacte Dutreil va subsister mais à des conditions plus strictes et moins avantageuses pour les transmissions à fort accent patrimonial ou celles qui s’écartent de l’esprit entrepreneurial. L’objectif affiché par le législateur est de maintenir un avantage fiscal puis sant pour la pérennité des PME et ETI familiales, tout en maîtrisant le coût budgétaire et en éliminant les stratégies purement patrimoniales.
Les chefs d’entreprise et leurs conseils seront donc invités à rester en veille sur l’actualité législative et le cas échéant à anticiper leurs opérations.
