Le redéploiement de l'entrepreneur: l'opération d'apport-cession

Le 20 Juillet 2023

La cession d’une entreprise peut déclencher une imposition sur la plus-value. Néanmoins, le dirigeant peut recourir à l’opération d’apport-cession afin d’optimiser sa fiscalité.

Par Hervé Benchétrit, Avocat Associé, Cabinet FLG Avocats.
Image par Pete Linforth de Pixabay

Lorsqu'un dirigeant souhaite céder son entreprise, se développer ou réinvestir dans une autre activité, la fiscalité peut constituer un repoussoir à l’investissement. En effet,la cession des titres d'une société soumise à l’IS entraîne généralement l'imposition de la plus-value réalisée, soit par le prélèvement forfaitaire unique de 30 % (« flat tax »), soit selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu. L’entrepreneur pourra toutefois, sous certaines conditions, conserver d’importantes liquidités, en réalisant une opération d’apport-cession des titres de sa société (CGI, art. 150-0 B ter).

De quoi s’agit-il ?

L’opération consiste à apporter les titres de sa société vers une société holding contrôlée par l’entrepreneur, puis de céder lesdits titres à un tiers.
La plus-value qui aurait été en théorie taxée avec une cession de titres classique est ainsi reportée, à savoir différée à une date ultérieure.
Ce faisant, la holding conserve les liquidités provenant de la vente des titres, qu'elle peut ensuite réinvestir dans une nouvelle société.
Exemple : Madame JR exploite un magasin d'optique avec une SAS au capital de 10 000 €. Après plusieurs années, l’actif net de la société est estimé à 1 000 000 €.
Si Madame JR décide de céder ses titres, l'impôt sur la plus-value s'élève à 297 000 € (990 000 x flat tax de 30%). En cas d’apport des titres à une holding puis de cession de ces titres, Madame JR verra l’imposition de sa plus-value différée, lui permettant de conserver un capital qu’elle aurait ainsi perdu définitivement, de manière significative et de le réemployer.

Les conditions du report d’imposition

  • L’apporteur doit être une personne physique fiscalement domiciliée en France, agissant dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé. Un non-résident peut aussi bénéficier du report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter sous certaines conditions
  • Au moment de l’apport, la holding doit être contrôlée par l’apporteur, à savoir que l’apporteur (ou son groupe familial) détient directement ou indirectement la majorité des droits de vote ou des droits sur les bénéfices.
  • La holding doit être soumise au régime de l’impôt sur les sociétés.

Les conditions relatives au réemploi

Pour conserver le bénéfice du report d'imposition, il convient de distinguer deux cas de figure :

  • La cession des titres apportés a été effectuée avant 3 ans à compter de l’apport : la holding devra alors réinvestir 60% au moins du produit de cession dans les 2 ans dans des activités éligibles (CGI article 150 O b ter).
  • La cession des titres apportés a été effectuée plus de 3 ans à compter de l’apport : le report de la plus-value est maintenu.

La société sera soumise à une obligation de conservation des titres concernés par le réinvestissement pendant un délai allant d’un an à 5 ans selon l’investissement réalisé.

Les activités éligibles au réinvestissement

Le produit de cession pourra être utilisé dans l’investissement de moyens permanents affectés à l’activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, de la société, ou de la souscription des titres d’une société qui exerce l’une de ces activités à condition que celle-ci ne soit pas sous contrôle avant l'investissement, mais le devienne par la suite. Les opérations d’investissements patrimoniaux financiers ou immobiliers ne sont pas des activités éligibles. Depuis le 1 er janvier 2019, sous conditions, la holding peut souscrire à des parts ou actions de fonds de capital-investissement (FCPR, FPCI, SCR, SLP).

La fin du report d’imposition

Le report d’imposition de la plus-value d’apport n’est pas pour autant indéfini. Il prend fin dans plusieurs situations :

  • Lorsque les titres reçus en rémunération de l’apport sont cédés ou le capital de la holding est réduit par rachat, remboursement ou annulation de titres ;
  • En cas de transfert du domicile fiscal hors de France ;
  • En cas de donation des titres suivie de leur cession, remboursement ou annulation dans un certain délai (CGI, art. 150-0 B ter, II) ;
  • En cas de vente, rachat, remboursement ou annulation des titres apportés si l’opération intervient dans les trois ans suivant l’apport (sauf si la holding réinvestit le produit de la vente dans les conditions exposées ci-dessus).

En conclusion

L'apport-cession offre une certaine souplesse à l'entrepreneur lorsqu'il s'agit d'organiser sa croissance, la cession de ses actifs, et le cas échéant, la transmission de ses avoirs à ses héritiers.
Cependant, il est important de noter que cette stratégie n'est pas adaptée à toutes les situations et qu’il est important pour l’entrepreneur de définir bien en amont ses objectifs (patrimonialisation, volonté de cash out, ou de transmission intrafamiliale…).

L’apport-cession s’inscrit dans une politique de gestion d’actifs à moyen voire long terme ; les entrepreneurs désireux de monétiser leur patrimoine ne seront pas nécessairement tentés par l’aventure.

En outre, l’opération induit de nombreux coûts : création d’une holding, tenue d’une comptabilité supplémentaire, juridique lié à cette nouvelle structure, réalisation d’une opération d’apport de titres générant des honoraires et le coût d’un commissaire aux apports... Mais cette question pécuniaire sera un lointain souvenir dès lors que l’objectif recherché sera atteint.

Une étude préalable complète et une préparation minutieuse de toutes les étapes, en particulier celles liées aux réinvestissements et à leurs conditions d’éligibilité sont nécessaires pour exploiter au mieux ce dispositif incitatif.