Les bénéficiaires de l’AME discriminés lors de la prise de rendez-vous ophtalmo

Le 12 Mai 2023

C’est ce qui ressort d’une étude réalisée par l’Institut des politiques publiques sur les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) et de l’aide médicale de l’État (AME), dans trois spécialités médicales (médecine générale, ophtalmologie et pédiatrie).

Image par Paul Diaconu de Pixabay

L’étude s’appuie sur un testing téléphonique réalisé entre mars et septembre 2022 auprès de plus de 3 000 praticiens. La discrimination est mesurée à travers les taux et les délais d’obtention d’un rendez-vous médical auprès des professionnels de santé pour trois profils de patients : bénéficiaires de la CSS, bénéficiaires de l’AME et ceux dits « patients de référence » ne déclarant recevoir aucune de ces deux aides.

Des discriminations constatées

Seule la moitié des patients de référence demandant une prise en charge pour un motif sans caractère d’urgence obtiennent un rendez-vous avec un des professionnels et 4 appels sont nécessaires, en moyenne, pour parvenir à entrer en contact avec un cabinet médical.

Pour les personnes ayant obtenu un rendez-vous, les délais proposés sont particulièrement longs pour les ophtalmologistes : plus de 55 jours, contre 8 pour les généralistes et 25 pour les pédiatres. Les patients bénéficiaires de la CSS obtiennent un rendez-vous dans les mêmes proportions que les patients de référence, contrairement aux bénéficiaires de l’AME.

Ces derniers doivent, en moyenne, appeler 1,3 fois plus pour obtenir un rendez-vous. Ils ont entre 19 et 37 % de chances en moins d’en avoir un chez un ophtalmologue (entre 5 et 27 % chez un pédiatre et entre 14 et 36 % chez un généraliste), et ce quels que soient le genre et le secteur d’exercice des praticiens. Ces discriminations sont le fait d’une minorité de praticiens, mais sont souvent exprimées de manière explicite : 9 % des demandes de rendez-vous des patients bénéficiaires de l’AME chez un ophtalmologue se soldent par un refus discriminatoire explicite (7 % chez un pédiatre et 4 % chez un généraliste).

Selon l’étude, ces refus de soins pourraient s’expliquer à la fois par les préjugés selon lesquels la prise en charge de ces patients serait plus complexe (patients en moins bonne santé, ne maîtrisant pas ou peu le français, consultations plus longues…) et par l’anticipation de démarches administratives plus lourdes pour les professionnels de santé dans la mesure où ces patients ne bénéficient pas de la carte Vitale. Le Défenseur des droits rappelle cependant qu’un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’un bénéficiaire d’une aide ciblée, du fait de sa situation de vulnérabilité économique, est un délit au regard de la loi, et un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale.