Mieux comprendre les clauses de non-(ré)affiliation dans les contrats de franchise

Le 22 Avril 2024

Tout contrat de franchise comporte une clause de non-(ré)affiliation. Sans empêcher l’exercice d’une activité semblable à celle du réseau quitté, elle restreint la liberté d’affiliation à un autre réseau. Le régime qui la régit a évolué au cours des dernières années. Un aperçu du droit en la matière permet de comprendre l’engagement que cela implique.

Par Hervé Benchétrit, Avocat Associé et Laure Rumeau, Avocate.
Image par aymane jdidi de Pixabay

La clause de non-(ré)affiliation est une disposition couramment insérée dans un contrat de franchise, visant à interdire à l’entrepreneur indépendant de rejoindre un réseau concurrent pour une période déterminée pendant et après la fin du contrat. Bien que l'affilié conserve la liberté d'exercer une activité concurrente dans la zone concernée par l’interdiction, il doit le faire sous sa propre enseigne et en dehors de tout réseau. Distincte de la clause de non-concurrence, la jurisprudence requiert les mêmes critères de validité pour la clause de non-(ré) affiliation. Ainsi, elle doit être circonscrite dans son champ d'application, limitée dans le temps ou dans l'espace, et proportionnée aux intérêts légitimes du créancier.
Un tour d’horizon du droit en la matière et de son évolution permettra aux acteurs de ces contrats d’avoir une connaissance plus éclairée de la portée d’un tel engagement. À cet égard, il convient de noter que le régime de la clause de non-(ré)affiliation post-contractuelle a connu des évolutions notables au cours des dernières années et en particulier en suite d’une loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite aussi loi Macron de 2015.

Avant la loi du 6 août 2015 :

Pour être licite, une clause de non-(ré)affiliation, qui se distingue de la clause de non-concurrence en ce qu'elle restreint la liberté d'affiliation à un réseau distinct sans limiter l'exercice d'une activité similaire ou analogue à celle du réseau quitté mais dont le régime est similaire (en ce sens, Com. 31 janvier 2012, nº 11-11.071, et Com., 18 décembre 2012, nº 11-27.068), devait être :
- limitée dans le temps,
- limitée dans l’espace,
- proportionnée aux intérêts légitimes
dont elle poursuit la protection, notamment en ce qu’elle ne devait pas avoir pour objet ou pour effet d’interdire à son débiteur l’exercice de son activité dans des conditions économiques rentables.

Après la loi du 6 août 2015

La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques est venue entériner et préciser les exigences du droit commun.
Ainsi, l’article L341-2 du code du commerce prévoit désormais que :
« I.-Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.
II.-Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s'en prévaut démontre qu'elles remplissent les 
conditions cumulatives suivantes :
1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du contrat mentionné au I ;
2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;
3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;
Leur durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats mentionnés à l'article L. 341-1. »

Il est important de préciser que cette loi n’est pas d’application rétroactive, et ne peut ainsi affecter la validité de la clause restreignant la liberté du franchisé inséré dans un contrat de franchise conclu avant l’entrée en vigueur de ce texte, même si la clause s’applique encore à cette date.

Un texte qui nécessite des éclaircissements

Des interrogations sont néanmoins apparues rapidement sur le champ d’application matériel de ce texte.

En effet, l’article L341-2 du Code de commerce renvoie aux contrats mentionnés à l'article L. 341-1 du même code, soit les « contrats conclus entre, d'une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants […] ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3 et, d'autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, un magasin de commerce de détail ».

En application de cet article, un courant doctrinal important a considéré que l’article L341-2 du code de commerce ne pouvait s’appliquer qu’à une activité de vente et revente de biens.

Si ce débat ne devrait pas nécessairement intéresser dans l’immédiat les entrepreneurs réalisant des ventes de biens de manière traditionnelle, il est certain que l’évolution de la société et des méthodes de consommation tend vers un éloignement progressif des pratiques commerciales classiques impliquant des déplacements en magasins.

Dans cette perspective, il est intéressant de se pencher sur un récent arrêt en date du 8 février 2023, de la Cour d’appel de Paris (Pôle 5, chambre 4, 8 février 2023, n° 20/14328) laquelle a jugé que :
« Sont concernés par l'art. L. 341-2 les contrats de franchise ayant pour objet l'exploitation d'un magasin de commerce de détail.
A défaut de précision juridique de la notion de « magasin de commerce de détail », il appartient à la cour d'interpréter celle-ci au regard de la finalité de l'art. L. 341-2 du code de commerce pour en déterminer le champ d'application. Cet article, ainsi que l'art. L. 341-1 du même code, a pour objet la protection de la liberté d'exercice de l'activité commerciale dans les réseaux de distribution, ce qui implique que cette notion ne peut être interprétée en un sens restrictif, telle que la seule vente de marchandises. Par ailleurs, l'art. L. 341-2 se réfère aux notions de « biens et services », de « terrains ou locaux » d'exploitation de l'activité et de protection « du savoir-faire » transmis. Il s'ensuit que pour l'application de ce texte, il ne peut être fait de distinction entre les activités de vente de biens ou de services, dès lors que cette activité s'exploite dans un « magasin », à savoir le local ou le terrain porteur de l'enseigne ou du signe de ralliement et dans lequel va se rendre le client final pour consommer le bien ou service proposé suivant un savoir-faire particulier » (CA Paris, 8 févr. 2023, n° 20/14328 ; v. égal. CA Paris, 15 févr. 2023, n° 22/05248).

Autrement dit, par cet arrêt, la Cour d’appel de Paris juge que les dispositions de l’article L341-2 du Code de commerce s’appliquent aux activités de services.
Toutefois, il convient de garder à l’esprit que cette décision est relativement récente et demeure à ce jour et à notre connaissance, d’une part isolée, et d’autre part non confirmée par un arrêt de la Cour de cassation qui demeure le juge suprême français.

Elle ne traite d’ailleurs que de la question de la fourniture de services en magasin, mais ce petit bouleversement, créé au moins temporairement par cette décision, laisse entrevoir que les magistrats tentent, comme ils ont souvent essayé de le faire, d’interpréter la loi au gré des évolutions de la société.

Devant le développement de la vente de détail en ligne et des prestations à domicile, notamment pour les personnes à mobilité réduite, il est légitime de s’interroger sur d’autres évolutions législatives à venir qui viendront possiblement adapter les clauses restrictives de la nature de celles de la non-(ré)affiliation ou de la non-concurrence.
On doit surtout s’inquiéter de l’évolution de la rédaction de ces clauses dans les contrats, les franchiseurs ayant naturellement besoin de préserver au mieux leur savoir-faire, leur réseau et leur marque.