Quand et comment transmettre à ses enfants ? 1re partie : Les modalités juridiques

Le 28 Février 2022

Le sujet est on ne peut plus d’actualité puisque le droit des successions est au cœur de la campagne présidentielle en cours : chaque candidat y va de ses propositions. Une chose est certaine, les Français sont assez peu informés sur le sujet et chacun croit que tout (ou presque) son patrimoine sera confisqué par l’état lors de sa succession. Or, près de 80 % des succession ne génèrent aucune fiscalité. Pour ceux qui ont un patrimoine au-delà des seuils d’exonération, le maître mot c’est l’anticipation.

Par Judith Sebillotte-Legris, avocate spécialisée en droit du patrimoine
(c)Romolo Tavani AdobeStock

Anticiper la transmission de son patrimoine cela signifie consentir à ses enfants des donations de son vivant. En effet, à l’heure où l’espérance de vie s’allonge, on hérite en moyenne vers 60 ans ; soit un âge auquel la vie est déjà faite. C’est donc bien plus jeune que nos enfants ont besoin d’un coup de pouce. Les donations que l’on peut leur consentir doivent cependant être réfléchies tant au plan juridique qu’au plan fiscal.

La nature des donations

La donation peut porter sur des sommes d’argent (en ce cas elle peut obéir à une fiscalité particulière (cf. infra II § 3), sur des biens mobiliers (des actions ou des parts de société par exemple) ou des biens immobiliers. Dans le premier cas la donation est généralement consentie en pleine-propriété, dans le second elle peut être consentie avec réserve d’usufruit. S’agissant des donations d’actions ou part de société elle obéissent à un régime juridique et fiscal complexe mais privilégié dont il ne sera pas traité ici.

Les donations avec réserve d’usufruit

Cette technique permet au donateur de conserver la jouissance du bien (c’est-à-dire le droit de l’utiliser et/ou d’en percevoir les loyers) tout en réalisant la transmission de son patrimoine mais seulement en nue-propriété. En ce cas, la dépossession du donateur n’est que partielle ; le donataire ne deviendra plein-propriétaire du bien qu’au décès du donateur mais il n’aura aucun droit supplémentaire à payer ! Cette manière de procéder outre son attrait juridique (la dépossession n’est pas totale) présente l’intérêt, sur le plan fiscal, de limiter le montant des droits de donation à payer (cf. infra II § 2).

Les modalités de la donation

Si le donateur a plusieurs enfants, il est très important que la donation prenne la forme d’une donation-partage surtout lorsqu’il s’agit d’une donation de sommes d’argent. En effet, en cas de donation de somme d’argent les donataires seront tenus de partager avec ses frères et soeurs la plus-value prise par le bien acheté avec les sommes données.
Exemple :

  • Des parents ont deux enfants Nicolas et Emma.
  • Chacun reçoit à des périodes différentes 60 000 €. Nicolas est dépensier et les 60 000 € sont partis en fumée tandis que sa soeur a acheté un bien immobilier d’une valeur de 150 000 €, la donation lui a permis de financer comptant 40% du bien.
  • A défaut de stipulation inverse la donation est dite en avance sur la part successorale des donataires. Il en résulte les conséquences suivantes : si à l’ouverture de la succession du donateur, le bien immobilier vaut 300 000 €, Emma sera censée avoir déjà reçu 120 000 € (40% de 60 000 €) alors que son frère Nicolas n’aura reçu que 60 000 €. Emma prendra 60 000 € de moins dans la succession. Pour éviter des conséquences qui peuvent être désastreuse pour une bonne entente familiale, la donation doit être une donation-partage dont la principale caractéristique tient au fait que les biens donnés ne feront pas l’objet d’une réévaluation (dans notre exemple Emma et son frère aurait reçu chacun 60 000 € sans considération de leur devenir). C’est pourquoi il faut se méfier des dons exceptionnels effectués au gré des anniversaires de chaque enfant (cf. infra II § 3). Si tel a été le cas, il existe une solution de rattrapage : réincorporer ces dons dans une donation-partage.