Quelles démarches réaliser au préalable pour céder son commerce ?

Le 01 Octobre 2021

La cession d’une activité commerciale (ou l’acquisition de celle-ci) est une opération complexe aux enjeux patrimoniaux importants. Il convient, en amont, de se poser les bonnes questions.

Par Stéphane Ingold, avocat
(c)Olivier Le Moal AdobeStock

Quid de la nature de l’opération consistant à transmettre l’exploitation ?

Faut-il céder :
-ses titres,
-son fonds de commerce,
-son droit au bail ?

Ces différents modes de cession d’un commerce, qui ne poursuivent pas les mêmes objectifs, ont des conséquences juridiques distinctes.

  • Hypothèse d’une cession de titres : Le cédant cède tout ou partie des droits (parts sociales) qu’il détient dans le capital et l’acquéreur devient associé de la société dont les droits sont cédés. Le commerçant, qui souhaite sortir totalement de la société, cède l’intégralité de ses droits. La cession de titres se traduit par le transfert de l’actif et du passif de la société. Ainsi, les contrats en cours sont poursuivis ; les créances et les dettes sont reprises. en général, l’acquéreur demande la mise en place d’une garantie d’actif-passif, laquelle a pour objet de l’indemniser en cas de diminution de l’actif cédé ou d’augmentation du passif pour des causes antérieures à la cession. Le prix est généralement versé au cédant le jour de l’acte de cession.
  • Hypothèse d’une cession de fonds de commerce : Cette opération porte sur les éléments composants le fonds de commerce, à savoir notamment : l'enseigne, le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage.
    Elle ne s’accompagne pas d’une reprise des dettes par le cédant. Le fonds de commerce ne constituant pas une entité autonome, les contrats conclus par le commerçant ne sont en principe pas compris dans la cession (Cass. com., 13 janv. 2009, no 07-21.380). A titre d’exception, sont repris le droit au bail, le contrat d’assurance, le contrat d’édition (art. L. 132-16 du code de la propr. intell.), et les contrats de travail (art. 1224-1 du code du travail). Le prix n’est pas versé immédiatement au cédant. Il est séquestré, pendant une certaine durée (3 mois et demi à 5 mois et demi), généralement entre les mains d’un avocat, pour régler les éventuels créanciers.
  • Hypothèse d’une cession du droit au bail : Le droit au bail est le titre d’occupation dont bénéficie le locataire en place. Il est l’un des éléments du fonds de commerce. Céder un droit au bail consiste donc à transmettre un bail commercial pour la durée restant à courir. Le repreneur sera tenu de respecter les clauses et conditions de ce bail, notamment l’obligation d’exercer l’activité autorisée à la clause destination. Il n’y a pas de transfert des dettes et des contrats, à l’exception du contrat de bail objet de la cession. Comme en matière de cession de titres, le prix de cession du droit au bail n’a pas à être séquestré.

Quid de la fiscalité de l’opération consistant à transmettre l’exploitation ?

Le choix du mode de cession dépendra des conséquences fiscales. L’imposition est distincte selon la nature et la forme de la cession, la forme juridique de l'entreprise, le régime fiscal auquel est soumise la société (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu)...

Une étude spécifique du traitement fiscal de l’opération est indispensable. Celle-ci est liée au prix et à la plus-value réalisée.

Quid du prix de l’opération consistant à transmettre l’exploitation ?

Le prix de cession est fixé librement par les parties (il est fonction du jeu de l’offre et de la demande). Pour disposer d’une base de discussion, le cédant est invité à faire calculer la valeur de son commerce par un sachant (expert-comptable, expert judiciaire spécialisé en estimations …).

Plusieurs méthodes sont applicables : la valorisation patrimoniale, la valorisation comparative, la valorisation par rendement. La valeur du fonds de commerce dépend du chiffre d’affaires ou de la capacité bénéficiaire du fonds constitué par l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE). Elle s’apprécie également par rapport à la valeur du droit au bail, laquelle correspond à la différence entre la valeur locative et le loyer effectivement payé par le locataire.

Quid de l’information nécessaire à l’opération consistant à transmettre l’exploitation ?

Le cédant doit mettre en mesure l’acquéreur de se déterminer en pleine connaissance de cause. Ce dernier doit avoir accès à l’intégralité des documents comptables, techniques et juridiques.

Le travail d’audit (ou d’instruction) peut être confié à l’avocat rédacteur, avant qu’il ne formalise l’accord des parties dans une promesse de cession. Il s’agit d’identifier les risques et de prévenir les éventuels vices du consentement. La jurisprudence veille en effet au respect par le cédant de son obligation d’information. Par exemple, il a été jugé que la rétention d’une information « essentielle et déterminante » sur les conditions d’exploitation du fonds de commerce imposées par la copropriété est susceptible d’entrainer la nullité de la cession du fonds de commerce (Cour de cassation, Chambre commerciale, arrêt du 6 janvier 2021, Pourvoi C 18-25.098).

Pour sécuriser l’opération, le rédacteur invitera les parties à prévoir des conditions suspensives (si celles-ci ne se réalisent pas, la cession deviendra caduc), notamment :

  • L’obtention d’un financement (crédit bancaire),
  • La purge du droit de préemption de la commune et, le cas échéant de celui du bailleur,
  • L’information des salariés,
  • L’obtention de nouvelles conditions locatives,
  • L’autorisation auprès de l’administration et de la copropriété de réaliser des travaux, de changer l’enseigne…

La cession d’un commerce ne s’improvise donc pas. Les démarches préalables consistent à se poser les bonnes questions en présence d’un homme du chiffre et d’un avocat conseil, spécialiste du droit