Revenir de vacances mieux informé: veille juridique de votre SARL

Le 25 Septembre 2024

Les congés d’été sont terminés, et il est essentiel de repartir du bon pied en s’enrichissant de notions du droit des entreprises, peu connues des profanes. Les deux cas cités dans le présent article ont pourtant trait à des opérations très courantes de la vie des entreprises, et dont la méconnaissance peut conduire à des conséquences pour le moins rédhibitoires.

Par Hervé Benchétrit, Avocat Associé.
Image par Mohamed Hassan de Pixabay

1. Transformation de société en une autre forme sociale : attention à la publication de l’opération au BODACC

La transformation d'une SARL en SAS est une opérationcourante qui peut présenter bien des avantages, notamment d’un point de vue fiscal, où un acquéreur préfèrera souvent s’acquitter de droits d’enregistrement faibles (0,1% du prix d’achat plafonnés à 4.000 euros contre un taux de 3 % du prix d'achat des parts sociales après l'application d'un abattement égal au rapport entre 23 000 € et le nombre total de parts sociales de la société).
Aussi, il est essentiel d’alerter les entrepreneurs que la transformation d’une SARL en SAS avant la cession des titres doit être publiée au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales) pour être opposable à l'Administration fiscale, comme le rappelle un arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 6 juillet 2023 (CA Lyon, 1ère chambre civile A, 6 juillet 2023 n°20/05110). Cette publication préalable est cruciale pour bénéficier des implications fiscales du changement de forme sociale, et en l’occurrence, de droits d’enregistrements bien plus favorables en matière d’achats d’actions, que d’achat de parts sociales.

Les faits et la chronologie

Dans cette affaire, la SARL T. a été transformée en SAS à la suite d'un vote en assemblée générale extraordinaire (AGE) le 24 juillet 2012. Le lendemain, les titres de la société T. ont été cédés à la société C. La déclaration de cession des droits sociaux fut déposée le 3 août 2012 auprès du service des impôts des entreprises (SIE), avec un paiement de droits d’enregistrement de 37 303 €.
Cependant, la publication officielle de la transformation n'a eu lieu que le 1er septembre 2012, et son enregistrement au BODACC le 25 octobre 2012.

La rectification

En décembre 2015, l'Administration a adressé une proposition de rectification à la société C., soutenant que la transformation en SAS ne lui était pas opposable à la date de la cession. Elle a exigé des droits supplémentaires de 75 455 € et des intérêts de retard de 10 564 €. Selon le fisc, la cession aurait dû être taxée comme une cession de parts sociales de SARL, soumise à des taux d’enregistrement plus élevés que ceux des actions de SAS (avec, à l’époque, des taux différents de ceux d’aujourd’hui, mais toujours plus favorables dans le cas d’achat d’actions).

La décision de la Cour d'appel de Lyon

La Cour d'appel de Lyon a statué en faveur de l'Administration, jugeant que la transformation ne lui était pas opposable faute de publication à temps. La transformation n'ayant pas été publiée avant la cession, la cession devait être considérée comme une vente de parts sociales de SARL et taxée en conséquence.

Conséquences et critiques

Cette décision souligne l'importance de respecter strictement les formalités de publicité pour les transformations avant cession. Les praticiens doivent veiller à ce que la transformation soit publiée avant toute cession pour éviter des complications fiscales, parfois sévères.
Cependant, cette décision a été vivement critiquée par des experts qui estiment que la Cour d'appel a fait une erreur d'appréciation de la situation.
Ils argumentent notamment que la transformation était de facto opposable puisque la transformation avait été publiée bien avant la proposition de rectification et qu’une vente d'actions de SAS avait bien été réalisée.

En conclusion, cette affaire met en lumière la nécessité pour les sociétés de respecter scrupuleusement les formalités de publicité lors de la transformation de leur forme sociale avant une cession, ce qui peut poser beaucoup de difficultés d’ordre pratique, mais qui devront désormais être anticipées.
Une décision de la Cour de cassation est toutefois vivement souhaitée pour clarifier les conditions d’opposabilité de ces transformations à l’Administration fiscale.
Dans cette attente, il est recommandé de publier la transformation avant de réaliser la cession pour éviter tout litige fiscal et garantir que les transactions soient taxées conformément à la nouvelle forme sociale de la Société.

2. L’entrée d’un tiers dans le capital social de votre SARL

Un de vos associés décide de quitter l’entreprise au profit d’une personne extérieure à la société, que les associés restants envisagent d’intégrer. Penser qu’une cession de titres sans formalisme particulier devrait suffire au bonheur de tous serait illusoire.
Ce type d’opération répond à un formalisme strict dans ces sociétés.
En effet, une cession de parts de SARL est nulle lorsque, en violation des dispositions légales impératives, le projet de cession n’a pas été notifié à la société et à chacun des associés conformément aux dispositions légales impératives (C. com. art. L 223-14, al. 1 et 2). Une cession effectuée sans cette notification ne peut donc pas être validée, même avec le consentement ultérieur de tous les associés.

Points clés à retenir:

  • Notification obligatoire: La notification du projet de cession à la société et aux associés est une étape indispensable de la procédure d’agrément.
  • Sanction en cas de non-respect: La cession est nulle si cette formalité n’est pas respectée (Cass. com. 21-3-1995, no 93-14.564 ; Cass. com. 21-1 2014, no 12-29.221).
  • Formalisme non remplaçable: Ce formalisme ne peut être remplacé par une équivalence, telle qu'une demande d’agrément postérieure à la cession ou une approbation unanime des associés annexée à l’acte de cession (Cass. com. 6-5 2003, no 01-12.567 ; Cass. com. 26-3-1996, no 93-17.89).

Principe et modalités de notification:
Outre l’agrément de la collectivité des associés qui est nécessaire pour les cessions de titres à des tiers (art. L 223-14 du Code de commerce), la notification du projet de cession doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie d’huissier (art. R. 223-11 C. com).
Certains auteurs ont pu considérer qu’une notification remise en mains propres serait valable mais la prudence reste de mise.

Vigilance toute donc, car les deux cas évoqués dans le présent article ne laissent que peu de place à une marge de manoeuvre.