"Standardisation des prix", "Quota liberticide", Eric Plat décrypte le 100% Santé

Le 18 Mars 2021
Eric Plat, Président Directeur Général d’Atol les Opticiens donne son avis sur la réforme du 100% Santé dans une tribune publiée notamment dans la presse grand public. Morceaux choisis. "Cette réforme,  (...) est, certes, louable dans son intention mais s’avère à l’usage très préoccupante. D’une part pour la filière optique, car elle affaiblit ses capacités d’investissement et d’innovation dans un contexte de Made in France et de plan de relance. D’autre part, pour le consommateur qui n’a plus d’autre choix que de se conformer à ce qui lui est imposé.

Un paradoxe

Les montures de l’offre 100% santé sont aussi qualitatives que le prix de vente permet aux opticiens de le faire. La réforme 100% Santé a pour effet mécanique de créer une standardisation des prix qui génère la déflation et fragilise les opticiens positionnés en moyen et haut de gamme et contraints de revoir toutes leurs offres pour répondre aux critères RAC zéro. Pour y parvenir, il est vraisemblable que nombre d’entre eux seront tentés de s’approvisionner à l’étranger, notamment en Chine, avec des produits moins coûteux mais aussi, sans doute, de moindre qualité. Ce n’est certainement pas le résultat auquel souhaitait aboutir le Gouvernement, en plein débat sur la loi climat et qui par ailleurs travaille à la relocalisation de nos industries. Pourquoi tirer vers le bas la production et, au passage, aggraver notre bilan carbone, alors que nous avons la capacité de concevoir et fabriquer en France des lunettes de qualité qui répondent aux besoins de tous les consommateurs qui recherchent de plus en plus des produits sophistiqués ?

Un quota liberticide

Plutôt que d’inviter les professionnels de la santé visuelle à dresser de nouvelles perspectives constructives, le gouvernement envisage de fixer un quota aux opticiens pour imposer le 100% santé à 20% des Français, en plus des 6% de CMU. Au nom de quoi l’Etat français peut-il priver certains consommateurs d’acheter des produits de bien-être visuel et des options de confort ? Pas au nom du remboursement de l’Assurance maladie, ni de la santé, après un an de confinements qui n’ont fait qu’accroître les besoins visuels à cause des écrans. Et puis comment l’opticien va-t-il s’y prendre pour choisir les clients qui devront prendre cet équipement ? A ceux qui pensent maintenant que cette réforme se préoccupe avant tout de la santé visuelle des plus fragiles, il faut rappeler qu’au contraire, elle manque sa cible en excluant 3,5 millions de Français sans complémentaire santé qui n’y ont pas droit ! Les opticiens et les industriels proposaient déjà des produits accessibles et en expliquaient le bénéfice et le coût à une population pas toujours disposée à accepter que les tarifs des mutuelles augmentent quand les remboursements hors 100% santé baissent !

Non-sens

La réforme 100% Santé devait faciliter l’accès aux soins de qualité sans reste à charge pour l’ensemble des Français en proposant des prix de montures et de verres plafonnés à un niveau d’entrée de gamme à 30 €. Or les plus précaires, notamment ceux qui n’ont plus de travail depuis plus d’un an, sont exclus du dispositif... Incroyable ! Après 15 mois d’application, le Gouvernement est déçu des résultats obtenus avec « seulement » 14% des verres de lunettes vendus avec le 100% santé et a diligenté une enquête de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes pour contrôler la bonne application du dispositif auprès de la filière. Soit. Cela est un non-sens de dire que la réforme n’a pas atteint son objectif dans l’optique puisqu’elle concerne environ 2,3 millions de personnes déjà et en concernera à ce rythme plus de 6 millions dans 3 ans! Les opticiens ont été en première ligne pour guider les Français en véritable ambassadeur, voire médiateur du dispositif. Grâce à l’implication de la filière, la réforme 100% santé a trouvé son public. Une autre lecture des chiffres montre que 18% du volume d’équipements complets est déjà atteint en mixant 14% de verres du panier A et les 12% de montures du panier B. Et ce, malgré une année chaotique qui a provoqué une chute de 11% des ventes et l’équivalent de 2,5 millions d’ordonnances en moins, impactant les volumes du panier B comme A. Notre filière optique est innovante. Elle peut retrouver la compétitivité et la croissance à condition qu’elle ne soit pas contrainte de se tourner vers le low-cost. L’innovation a un prix, mais certainement pas celui du dispositif 100% santé. Pas en phase avec son époque, ce décret pose surtout en creux la question de la privation des droits pour le consommateur."