TOUR D’HORIZON DES NOUVEAUTÉS SOCIALES ET DE JURISPRUDENCES À SURVEILLER

Le 17 Juillet 2025

L’été qui s’installe en France, les fortes chaleurs qui l’ont marquées dès son commencement, sont le parfait lancement d’un tour d’horizon d’une actualité sociale marquée plus que jamais par la protection du salarié. L’occasion également de faire état de récentes jurisprudences que tout employeur devrait conserver précieusement par devers lui, comme guide de ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire dans le cadre des relations du travail.

Par Hervé Benchétrit, Avocat Associé, et Valérie Batifois, Avocate.
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I - Droit social : ce qui change à compter du 1er juillet 2025

Les principales évolutions estivales sont les suivantes :

  • La chaleur, un enjeu de santé au travail

Face aux épisodes de canicule de plus en plus fréquents, le gouvernement a décidé de renforcer la protection des travailleurs exposés à la chaleur.

Le décret n°2025-482 du 27 mai 2025 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur oblige désormais les employeurs à adapter l’organisation du travail en cas de fortes températures. Cela passe par des mesures concrètes :

- L’intégration du risque de fortes chaleurs dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) devient obligatoire, avec une actualisation régulière en fonction des niveaux de vigilance météorologique signalés par Météo-France.

- Un dispositif de signalement doit être mis en place, notamment pour les travailleurs isolés ou éloignés, afin de réagir rapidement en cas de situation à risque.

- L’adaptation des horaires de travail pour limiter la durée et l’intensité de l’exposition des salariés à la chaleur.

- La fourniture d’équipements de travail adaptés, comme des vêtements respirants ou rafraîchissants, des couvre-chefs et des lunettes.

- L’aménagement des postes de travail en vue d’atténuer les effets des rayonnements solaires et l’accumulation de chaleur, grâce à des dispositifs filtrants, occultants, de la ventilation ou de la brumisation.

- L’obligation d’informer et de former les salariés sur la reconnais sance des signes de coup de chaleur et les gestes à adopter en cas de malaise.- Un meilleur ajustement des périodes de repos est prévu pour offrir aux travailleurs des temps de récupération suffisants dans des conditions de fraîcheur.

- La fourniture et, si besoin, l’augmentation de la quantité d’eau potable fraîche à disposition des salariés sont obligatoires. En l’absence d’eau courante, chaque personne doit bénéficier d’au moins trois litres d’eau par jour.

- La mise en œuvre de procédés de travail limitant, voire supprimant, l’exposition à la chaleur est encouragée afin de réduire les risques pour la santé des travailleurs. Le pouvoir de l’inspection du travail est renforcé, les agents de contrôle pouvant mettre en demeure les entreprises sous huit jours pour définir des mesures de prévention adaptées contre les épisodes de chaleur intense.

  • Arrêts maladie : la chasse à la fraude s’intensifie

Autre nouveauté de taille : la lutte contre la fraude aux arrêts maladie. Depuis le 1er juillet, tout arrêt transmis au format papier doit obligatoirement passer par un nouveau formulaire sécurisé, doté d’un hologramme et d’une encre magnétique. Les photocopies et les scans ne sont plus acceptés par l’Assurance maladie. Cette mesure vise à limiter les abus et à contenir la hausse du coût des arrêts maladie, qui pèse lourdement sur les finances publiques.

  • Chômage : légère hausse des allocations

Les allocations chômage sont revalorisées. L’allocation minimale passe ainsi de 31,97 à 32,13 euros par jour, soit une hausse de 0,5%.

  • Apprentissage : les entreprises davantage mises à contribution

Du côté de l’apprentissage, les règles évoluent aussi. Les employeurs doivent désormais verser une participation de 750 euros pour chaque contrat d’apprentissage à partir du niveau bac+3. Par ailleurs, la prise en charge des frais de formation est désormais calculée au prorata des jours effectivement réalisés, en vue d’encourager un meilleur suivi des parcours. Cette obligation ne concerne que les contrats signés à partir du 1er juillet 2025.

  • Saisie sur salaire et espaces sans tabac : des mesures pour plus de justice et de santé publique

La procédure de saisie sur salaire a été revue pour la simplifier. Avec cette réforme, la procédure de saisie sur salaire est « déjudiciarisée » ; c’est-à-dire qu’il ne sera plus nécessaire d’obtenir une autorisation préalable d’un juge. La procédure est désormais confiée aux commissaires de justice (anciennement « huissiers de justice »). Le contrôle du juge est maintenu, mais a posteriori. Enfin, la lutte contre le tabagisme franchit une nouvelle étape : il est désormais interdit de fumer dans de nombreux espaces publics, notamment les parcs, plages, abribus, abords d’écoles et installations sportives. Une mesure saluée par les associations de santé publique, soucieuses de protéger les plus jeunes.

II – Echantillons de jurisprudence sociale

Entre décembre 2024 et juin 2025, la Chambre sociale de la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat reviennent sur certaines règles qui méritent une attention particulière.

- 11 décembre 2024 – Cass. soc. n° 22-18.362 Erreur de La Poste = procédure de licenciement irrégulière. Si une lettre de convocation à l’entretien préalable n’a jamais été présentée au salarié en raison d’une erreur de distribution, l’employeur ne peut pas se prévaloir de la régularité de la procédure, même s’il a respecté les délais légaux. ceux visés dans une plainte pénale et que le salarié est relaxé, la décision pénale s’impose au juge prud’homal. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse par le juge prud’homal.

- 18 décembre 2024 – Cass. soc. n° 23-13.531 Clause de mobilité imprécise = clause nulle. Une clause de mobilité mentionnant uniquement une mobilité au sein des filiales sans définir précisément sa zone géographique est jugée nulle.

- CE, 18 déc. 2024, n° 473640 Abandon de poste et présomption de démission. Depuis 2023, l’article L. 1237-1-1 du Code du travail prévoit qu’un salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail dans le délai fixé peut être présumé démissionnaire. Mais attention,le Conseil d’État a précisé que cette présomption ne s’applique que si la mise en demeure informe clairement le salarié des conséquences de son absence injustifiée. À défaut de cette mention dans la lettre de mise en demeure, aucune démission ne pourra être présumée, et le licenciement devra être engagé dans les règles.

- 26 février 2025 – Cass. soc. n° 23-11.596 Plainte pénale = risque de relaxe → licenciement sans cause. Lorsque les faits du licenciement sont identiques à ceux visés dans une plainte pénale et que le salarié est relaxé, la décision pénale s’impose au juge prud’homal. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse par le juge prud’homal.

- 26 février 2025 – Cass. soc. n° 22-24.474 Vidéo obtenue à l’insu du salarié : recevable si indispensable à la preuve. Des enregistrements obtenus sans informer le salarié peuvent être recevables si : ✔ le salarié a commis une faute grave ; ✔ la preuve est indispensable et proportionnée ; ✔ il n’y a ni stratagème ni provocation.

- Cass. soc. 21 mai 2025 n° 23-18003 Report de l’entretien préalable pour maladie : doit-on respecter un nouveau délai de 5 jours. Lorsque le report de l’entretien est dû à l’état de santé du salarié, l’employeur n’est pas tenu de respecter un nouveau délai de cinq jours ouvrables. Il doit simplement informer le salarié, en temps utile et par tout moyen, des nouvelles date et heure de l’entretien.

- Cass. soc., 11 juin 2025, n° 24-15.297 Inaptitude : pas d’obligation de motiver l’impossibilité de reclassement si l’avis médical est sans équivoque. Lorsqu’un avis d’inaptitude mentionne de manière claire et explicite que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à l’état de santé du salarié, l’employeur est dispensé de certaines obligations formelles. La Cour de cassation précise que, dans une telle situation : l’employeur n’a pas à notifier par écrit les motifs s’opposant au reclassement avant d’engager la procédure de licenciement ; il n’a pas non plus l’obligation de rechercher un reclassement dans les autres établissements de l’entreprise. 

- Cass. soc., 20 juin 2025, n° 25-11.250 Le salarié bientôt informé de son droit de se taire en entretien disciplinaire? La Cour de cassation accepte de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel (le Conseil d’État a fait de même le 18 juin 2025 n° 502832 pour l’entretien préalable au licenciement - C. trav., art L.1232-2 et suivants - et à l’entretien préalable à une sanction disciplinaire - C. trav., art L.1332-2) ➡ Enjeu : le droit de se taire lors d’un entretien préalable à sanction ou à licenciement. Si le Conseil constitutionnel reconnaît cette obligation, cela entraînerait une modification profonde des pratiques RH. ⚠ L’absence d’une telle information pourrait constituer une irrégularité susceptible d’entraîner la nullité de la sanction disciplinaire ou de vicier la procédure de licenciement qui pourrait être invoquée par le salarié devant le juge prud’homal. À suivre avec attention.

S’il est bien une matière en perpétuelle mouvement pour nous juristes, et pour tous employeurs ou responsables RH, c’est bien le droit social. Même en été, il est primordial de rester vigilant, pour le bien-être des employés et la pérennité de l’entreprise.